George Orwell(1984)
- Le journal de Winston Smith
Il contemple un moment le papier, le regard vide. Le télécran diffuse maintenant une musique militaire stridente. Chose curieuse, il a l'impression d'avoir perdu toute capacité à s'exprimer, et pis encore, d'avoir oublié ce qu'il avait l'intention de dire. Ce moment, il s'y prépare depuis des semaines et il ne lui est pas venu à l'esprit qu'il requerrait autre chose que du courage.
George Orwell(1984)
- Les Deux minutes de Haine
Dans un éclair de lucidité, Winston s'est surpris à brailler avec les autres, et à cogner le barreau de sa chaise du talon. Le plus atroce dans ces Deux Minutes de Haine, ce n'est pas qu'on soit obligé d'y participer mais tout au contraire qu'on ne puisse s'empêcher d'y adhérer. Au bout de trente secondes, plus besoin de faire semblant. Une extase abjecte où se mêlent la peur et la vindicte, un désir de tuer, de fracasser les crânes à coup de gourdin semble parcourir le groupe...
Jean Teulé (Mangez-le si vous voulez)
- Le Lébérou
Ils le confondent maintenant avec ce monstre légendaire du Périgord condamné par maléfice à errer la nuit, dans les campagnes. Corps enveloppé d'une fourrure, on raconte que le lébérou se jette sur le dos des promeneurs attardés, se fait porter, mange les chiens, met enceintes les filles et reprend au matin, la figure d'un aimable voisin.
Patrick Rambaud
- Préoccupations de Napoléon 1er avant Essling (La Bataille)
La flotte anglaise mouille au large de Naples, le Tyrol se rebelle, le prince Eugène a des difficultés dans son royaume d'Italie et le pape devient indocile. Le meilleur de notre armée s'épuise en Espagne. Est-ce que je vais pouvoir longtemps compter sur la neutralité du tsar ? Les Anglais financent partout des révoltes. En France, les esprits frondent et la censure ne contient plus les impertinences.
Jean-Christian petitfils
- La Rochelle dans Louis XIII
Les guerres de religions y avaient été sanglantes. En 1565, des prêtres avaient été précipités dans la mer du haut de la Tour de la Lanterne. En 1573, l'armée royale avait perdu 20000 hommes en tentant vainement de prendre la ville, soutenue par Elisabeth d'Angleterre. Les Rochelais avaient déversé sur les royaux de la poix et de l'huile bouillante au moyen d'une machine qu'ils avaient surnommée "l'encensoir". Depuis lors, la place vivait en autarcie, tenant à peine compte de l'autorité royale.
Alberto Angela
- Discours de Claude sur l'assimilation des peuples vaincus
La paix intérieure fut assurée, et notre puissance affermie au-dehors, quand les peuples d'au-delà du Pô firent partie de la cité (...) Pourquoi Lacédémone et Athènes, si puissantes par les armes, ont-elles péri, si ce n'est pour avoir repoussé les vaincus comme des étrangers ? Honneur à la sagesse de Romulus, notre fondateur, qui tant de fois vit ses voisins en un jour d'ennemis devenir citoyens !
Alberto Angela
- Le phare d'Alexandrie
Des sept merveilles du monde le phare d'Alexandrie fut celle qui résista le plus longtemps : terminé vers 280 avant J.-C., il fut utilisé durant plus de treize siècles. Les musulmans en transformèrent le sommet en mosquée, puis deux séismes, en 1303 et 1323, eurent raison de sa fonction de guidage des marins. (...) Mais une chose demeure : il avait été édifié sur l'îlot de Pharos, et ce nom fut repris pour désigner les tours de guidage sur les côtes méditerranéennes (...).
Victor Hugo
- Les vivandières (dans Quatre-vingt-Treize)
Une embuscade était probable. Trente grenadiers, détachés en éclaireurs et commandés par un sergent, marchaient en avant à une assez grande distance du gros de la troupe. La vivandière du bataillon les accompagnait. Les vivandières se joignent volontiers aux avant-gardes. On court des dangers, mais on va voir quelque chose. La curiosité est une des formes de la bravoure féminine.
Frank Herbert
- aphorisme mentat - La Maison des mères
Beaucoup de choses que nous faisons tout naturellement nous deviennent difficiles dès l'instant où nous cherchons à les intellectualiser. Il arrive qu'à force d'accumuler les connaissances sur un sujet donné, nous devenions ignares.
Frank Herbert
- Le legs de Leto II (Les hérétiques de Dune)
Je vous lègue ma peur et ma solitude. À vous je donne la certitude que le corps et l'âme du Bene Gesserit connaîtront le même sort que tous les autres corps et que toutes les autres âmes.
Frank Herbert
- Evolution d'Arrakis (Les Enfants de Dune)
Elle regarda autour d'elle et les yeux se détournèrent. Ces gens étaient si sérieusement futiles qu'elle fut sur le point de se mettre à hurler contre leurs justifications toutes faites pour des existences sans but.
Frank Herbert
- Les valeurs dans l'enseignement (Les Enfants de Dune)
Palimbasha était un rustre parfaitement mathématique qui avait essayé d'expliquer Muad'Dib par les mathématiques avant que la Prêtrise ne le censure. Il avait pour don de réduire les esprits en esclavage et le processus s'expliquait fort simplement : il transmettait ses connaissances techniques mais ne transmettait pas les valeurs.
Frank Herbert
- Le Messie de Dune (extrait)
Toutes ces étoiles qui brillaient au-dessus de lui... Un homme devait être à demi fou pour oser imaginer qu'il pouvait régner sur une seule larme de clarté dans ce volume insensé d'espace. Inimaginable... Comme le nombre des sujets sur lesquels l'Empire prétendait exercer son pouvoir. Des sujets ? Adorateurs et ennemis, plutôt. Y en avait-il un seul parmi eux qui fût capable de voir plus loin que les rigides croyances ? Qui eût échappé au destin étroit de ses préjugés ?
Antonio Scurati
- Description des squadristes (M. L'enfant du Siècle)
Les squadristes qui sont assis à cette table ignorent jusqu'au nom des ministres. C'est toujours le même problème avec ces gens-là : pour eux, le pouvoir consiste à manger, boire, baiser et fracasser des crânes. Armés du seul couteau, l'instrument de l'éternelle rixe, nymphomanes de la violence, ivres de leurs instincts, voués à la décharge du plaisir immédiat, ils sont inaptes à l'attente, à l'effort retenu, au tourment ascensionnel de la véritable bataille.
Antonio Scurati
- Le plan de Giolitti (M. L'Enfant du siècle)
Giolitti a un plan : brider l'illégalité fasciste, considérée comme un phénomène passager, en l'entravant dans le cadre constitutionnel. Mussolini dispose d'une parade : susciter le désordre pour montrer que lui seul est en mesure de ramener l'ordre. Déchaîner les squadristes d'une main et les retenir de l'autre.
jacques Roux
- Manifeste des Enragés, 1793
La liberté n'est qu'un vain fantôme quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'égalité n'est qu'un vain fantôme quand le riche par le monopole exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n'est qu'un vain fantôme quand la contre-révolution s'opère de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois-quarts des citoyens ne peuvent atteindre, sans verser des larmes.
Georges Jacques Danton
- Discours à la Convention le 2 septembre 1792
Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée.
VIctor Hugo
- Le bouquiniste - Les Misérables
Il possédait comme tout le monde sa terminaison en iste, sans laquelle personne n'aurait pu vivre en ce temps-là, mais il n'était ni royaliste, ni bonapartiste, ni chartiste, ni orléaniste, ni anarchiste ; il était bouquiniste.
Emile Zola
- La Beauce un soir d'hiver - La Terre
La neige avait cessé, le ciel était redevenu vif et clair, criblé d'étoiles, un grand ciel de gelée, d'où tombait un jour bleu, d'une limpidité de cristal ; et la Beauce, à l'infini, se déroulait, toute blanche, plate et immobile comme une mer de glace.