Nathalie Sarraute
- Conférences et textes divers
Il faut que la sensation, le ressenti passe vite, ait une forme d'impact immédiate, porté par des mots familiers. Il en est de même dans mes romans où des images claires, banales, immédiatement évocatrices doivent faire passer des sensations indéfinissables.
Jean Tardieu
- Obscurité du Jour
Nous voulons nous étourdir à force de lampes et de bruit. Tous nos livres, toutes nos actions ne sont remplis que du fracas des jours. Pourtant ce qui nous gouverne plonge dans une ombre sans contrôle. Nous implorons, nous espérons la lumière, alors que, par un effet contradictoire, cette obscurité qui nous terrifie nous alimente puissamment. Mais il y a autre chose. Cette nuit si terrible apparaît bénéfique si nous l'embrassons, les yeux ouverts, dans la vérité du regard.
Sappho
- Ôde à une femme aimée
L'homme fortuné qu'enivre ta présence me semble l'égal des Dieux, car il entend ruisseler ton rire et rêver ton silence, et moi, sanglotant, je frissonne toute, et ma langue est brisée : subtile, une flamme a traversé ma chair, et ma sueur coule ainsi que la rosée âpre de la mer ; un bourdonnement remplit de bruits d'orage mes oreilles, car je sombre sous l'effort, plus pâle que l'herbe, et je vois ton visage à travers la mort.
Lorand Gaspar
- Approche de la parole
Sois l'écoute en même temps que le geste, inachevables et indissociables. Mais que ton geste soit soudé à son dialogue d'élan et d'obstacle, à sa texture énergétique qui est pesanteur et translation, usure et métamorphose de cette usure.
Marie-Claire Bancquart
- Je suis quant à moi […]
Je suis quant à moi très attirée par les "choses de rien" couleur de légumes tombés sous les étals du marché ; flaques-miroirs ; odeurs d'un porte-monnaie ; détail de sculpture, très soigné malgré la grande improbabilité qu'on le regarde, tout en haut d'une colonne d'église ; insectes fragiles et de structure complexe qui vous tombent sur un doigt, l'été. Tout cela vit fort, à la dérobée, et nous fait crier : "Terre !"
Joël Bastard
- Se dessine déjà
C'est quand il n'y a plus rien. Que je peux construire mon petit bazar de plumes. De brindilles. De ficelles. Je retrouve alors cet état que je n'oublie pas. Jamais. L'ennui autour ne passe pas les faibles parois de cette construction. Et je m'endors, le front dans le Mikado. Pas plus qu'un oiseau qui de salive colle les fragiles entre eux et qui reste sur sa branche avec au coin du bec une formule innocente.