Charles d'Orléans
- Le temps a laissé son manteau
Le temps a laissé son manteau, de vent, de froidure et de pluie, et s'est vêtu de broderie, de soleil brillant, clair et beau. Il n'y a bête, ni oiseau, qui en son jargon ne chante ou crie le temps a laissé son manteau, de vent, de froidure et de pluie. Rivière, fontaine et ruisseau, portent, en livrée jolie, gouttes d'argent, d'orfèvrerie ; chacun s'habille de nouveau le temps a laissé son manteau.
Joachim DU BELLAY
- D'un vanneur de blé aux vents
A vous, troupe légère, Qui d'aile passagère Par le monde volez, Et d'un sifflant murmure L'ombrageuse verdure Doucement ébranlez, J'offre ces violettes, Ces lis et ces fleurettes, Et ces roses ici, Ces vermeillettes roses, Tout fraîchement écloses, Et ces œillets aussi. De votre douce haleine, Éventez cette plaine, Éventez ce séjour, Cependant que j'ahane A mon blé que je vanne, A la chaleur du jour.
Jean-Paul Sartre
- Les Mouches (Oreste)
Je ne reviendrai pas à ta nature : mille chemins y sont tracés qui conduisent vers toi, mais je ne peux suivre que mon chemin. Car je suis un homme, Jupiter, et chaque homme doit inventer son chemin. La nature a horreur de l'homme, et toi, toi, souverain des dieux, toi aussi tu as les hommes en horreur.
Chamfort
L'espérance n'est qu'un charlatan qui nous trompe sans cesse ; et pour moi, le bonheur n'a commencé que lorsque je l'ai perdue. Je mettrais volontiers sur la porte du paradis, le vers que Dante a mis sur celle de l'enfer : "Vous qui entrez ici, laissez toute espérance".
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 8
Heureuse de se débarrasser à si bon compte de son stupide mari, elle s'empressa de se piquer le doigt. Mais au moment où le sang commença à couler, elle s'écroula morte. Toutefois, elle ne pouvait pas se résigner à quitter définitivement ce monde. Elle y revint transformée en un minuscule insecte poursuivant sans relâche Ngoc Tâm, pour lui voler les trois gouttes de sang qui la ramèneraient à la vie humaine. C'est cet insecte que l'on appelle "moustique"
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 7
Il parvint à retrouver ce dernier après de longs mois de recherche. Il retrouva également sa femme et lui proposa de le rejoindre. Habituée à la vie luxueuse que lui offrait le marchand, celle-ci refusa. D'un coup, le paysan fut guéri de son amour et dit à sa femme : " Tu es libre de me quitter. Mais tu dois me rendre les trois gouttes de sang que j'ai versées sur ton corps pour te ranimer. "
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 6
Frappé par la beauté de la jeune femme, le marchand entra en conversation avec elle, finit par la séduire et par l'emmener avec lui vers une nouvelle destination. À son retour, Ngoc Tâm, furieux, décida de se lancer à la poursuite du riche marchand.
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 5
"Pense à l'amour que ton époux te porte et à son dévouement. Soyez heureux tous deux. " Pressé de regagner son foyer, Ngoc Tâm rama jour et nuit. Un soir, il dut accoster pour aller acheter des provisions. Pendant son absence, la grande barque d'un riche marchand vint s'amarrer à côté de la sienne.
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 4
Pris de pitié, le génie lui dit : " Je vais exaucer tes vœux, car ton amour et ta douleur sont sincères. Mais puisses-tu ne pas le regretter plus tard ! " Puis il demanda au paysan d'ouvrir le cercueil, de se couper le bout du doigt et de laisser tomber trois gouttes de sang sur le corps de la défunte. Aussitôt, celle-ci ouvrit les yeux comme si elle sortait d'un long sommeil. Avant de partir, le génie s'adressa à la femme : " N'oublie pas tes devoirs d'épouse."
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 3
Un jour, son sampan l'amena au pied d'une colline verdoyante et parfumée. Descendu à terre, il découvrit un paysage d'une grande beauté avec des fleurs rares et des arbres chargés de fruits variés. Il rencontra soudain un vieillard à la barbiche et aux longs cheveux blancs. Il se dégageait du vieil homme une grande sérénité et une miséricorde étonnante. Ngoc Tâm comprit qu'il avait devant lui un génie des lieux. Il se jeta à ses pieds, l'implorant de rendre la vie à sa femme.
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 2
Malheureusement, cette union ne fut que de courte durée, car la jeune femme mourut brutalement un beau matin. Désespéré, Ngoc Tâm ne voulut pas se séparer du corps de son épouse et s'opposa à son ensevelissement. Après avoir vendu ses biens, il s'embarqua avec le cercueil dans un petit bateau à voile, un sampan, et erra au gré du courant, n'ayant en tête aucune destination précise.
Contes et légendes
- L'invention des moustiques - Partie 1
Il était une fois, dans une région lointaine du Viêt Nam, un jeune paysan, brave et généreux, prénommé Ngoc Tâm. Il avait une femme très belle et très élégante. Contrairement à son mari, qui était économe et laborieux, elle était paresseuse et adorait le luxe. Malgré cela, Ngoc Tâm aimait son épouse et lui pardonnait tout.
Michel Hazanavicius, Dominique Mezerette
- La classe américaine
Tu te réveilles à 35 ans pour te demander ce que ça veut dire "monde de merde" ? C'est pas que tu es indiscret, c'est juste que tu es un con. En disant "monde de merde", j'ai voulu dire que le monde allait mal. C'est un cri de révolte que j'ai lancé à mes frères opprimés. Finissons-en avec la résignation et l'indifférence. Ouvrons les yeux ! Partout l'injustice, le nationalisme, l'exclusion, ça me débecte.
Raymond Devos
- Extraits 2
Je préfère glisser ma peau sous des draps pour le plaisir des sens que de la risquer sous les drapeaux pour le prix de l'essence ; si tu étais plus belle, je me serais déjà lassé. Tandis que là, je ne m'y suis pas encore habitué ; un ministre, ça ne se vend pas ! Ça s'achète parfois ! Mais ça ne se vend pas !
Raymond Devos
- Extraits 1
En général, ceux qui font des généralités sont des cons ; il déteste à tel point les étrangers que, lorsqu'il va dans leur pays, il ne peut plus se supporter ; mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l'un avance, l'autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche !
Épicure (~300 av. J.-C.)
- Lettre à Ménécée
Même jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher. Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l'exercice philosophique. Il n'est jamais trop tôt, qui que l'on soit, ni trop tard pour l'assainissement de l'âme. Tel, qui dit que l'heure de philosopher n'est pas venue ou qu'elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l'heure n'est pas venue ou qu'elle n'est plus.
Héraclite (~ 500 av. J-C.)
- Fragments
Ils ne comprennent pas comment ce qui lutte avec soi-même peut s'accorder. L'harmonie du monde est par tensions opposées, comme pour la lyre et pour l'arc.
Robert Alexandre
- Sandrinhar
Ne pas dormir, surtout ! Pas ici. Pas avec un tel compagnon... mais si l'ours sortait de sa torpeur, il ne servirait à rien d'être éveillé, qu'à se voir mourir. Il sombra dans un sommeil sans rêves, cessant enfin de se demander qui ouvrirait l’œil le premier, de lui ou du dangereux propriétaire de cet antre.
Marcel PROUST
- Les mystères d'Albertine
Dans ma crainte que le plaisir trouvé dans cette promenade solitaire n'affaiblît en moi le souvenir de ma grand-mère, je cherchais à le raviver en pensant à telle grande souffrance morale qu'elle avait eue ; à mon appel cette souffrance essayait de se construire dans mon coeur, elle y élançait ses piliers immenses ; mais mon coeur, sans doute, était trop petit pour elle, je n'avais la force de porter une douleur si grande.
Maxime Le Forestier
- Né quelque part
On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, pour apprendre à marcher. Être né quelque part. Pour celui qui est né, c'est toujours un hasard. Y a des oiseaux de basse cour et des oiseaux de passage. Ils savent où sont leur nids. Quand ils rentrent de voyage ou qu’ils restent chez eux. Ils savent où sont leurs œufs.